Le Bénévole
Le bénévole (activus benevolus) est un
mammifère bipède que l'on rencontre surtout en milieu associatif. C'est un
ruminant: il rumine en effet constamment pour trouver le moyen de faire
beaucoup avec rien et obtenir l'adhésion du plus grand nombre.
Alors que la plupart de ses congénères
bipèdes gagnent leur vie en travaillant et que certains reçoivent même des
indemnités sans rien faire, le bénévole, curieusement, met un point d'honneur à
travailler sans percevoir aucune rémunération.
L'une des activités principales
consiste à organiser des réunions où les autres bipèdes du même groupe
associatif trouvent grand plaisir à se retrouver. Par contre, on voit à cette
occasion, le bénévole errer de groupe en groupe, l'air grave et les traits tirés,
soucieux du bon déroulement des festivités. Paradoxalement, il ne parviendra à
se détendre que lorsque la journée sera finie.
L'ennemi héréditaire du bénévole est le
« nyaqua », nom d'origine populaire provenant sans doute du fait que
ce mammifère bipède, doté d'un petit cerveau et d'une grande langue venimeuse
intervient toujours dans les discussions en commençant invariablement par ces
mots: « il n'y a qu'à... » d'où son nom.
Le « nyaqua » évolue
également en milieu associatif où il se tient le plus souvent tapi, attendant
son heure et guettant sa proie. Il attend le moment où le bénévole pourra avoir
un oubli ou commettre une erreur. Il bondit alors pour lancer son venin qui
atteint immanquablement son adversaire désarmé, et provoque chez celui-ci une maladie
implacable contre laquelle la médecine est impuissante: le
« découragement ».
Les premiers symptômes de ce mal
incurable sont rapidement visibles: absences de plus en plus fréquentes aux
réunions, regain d’intérêt pour le jardinage, la pêche à la ligne... Et l’on
voit même le bénévole se laisser aller à passer des soirées devant la
télévision, au lieu de les consacrer aux tâches nobles que comporte toute vie
associative, telles que mise sous enveloppes de bulletins d’information,
collage d’étiquettes-adresses et de timbres-poste par centaines...
L’épidémie se propageant, on peut
s’attendre à ce que l’Etat-Providence intervienne, au nom de l’égalité des
chances, pour protéger la race des bénévoles, en les enfermant dans quelques
zoos, où les « nyaqua » « fokon » et « ifo » avec leur petit
cerveau et leur grande langue viendront se promener le dimanche en famille
et leur jeter à travers les grilles quelques friandises, se souvenant avec
nostalgie des temps heureux où ils pouvaient traquer le bénévole sans
contrainte.
Mais, il est bien connu que, privées de
liberté, les espèces en voie de disparition ne se reproduisent plus. Les
« nyaqua », alors frustrés dans leurs instincts les plus profonds, ne
manqueront pas, comme toute corporation soucieuse de défendre ses avantages
acquis, de se rassembler pour une manifestation monstre au cours de laquelle on
les verra défiler devant les cages des bénévoles, brandissant des pancartes
portant cette inscription: « il n’y à qu’à les libérer !... ».
Récit de pure fiction ??? ...
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